• La fée des Neiges

    La Fée des Neiges



    Il était une fois un petit garçon tout ordinaire,
    qui pourtant allait révéler un destin extraordinaire.
    Tout à fait commun on ne pouvait pourtant nier dès son berceau que ses yeux couleur d'argent en troublèrent plus d'un. Son regard gris clair aux reflets brillants fit dire à certains qu'il ne vivrait pas longtemps, à d'autres qu'il trouverait dans les terres du fer et qu'il ferait fortune. Bien ignorant sont les gens ! Et que de bavardage pour ne montrer que de l'ignorance. Mais tout cela fut bien vite oublié, car chacun de son champ devait s'occuper. Et les années passaient sans que l'enfant ne mourut ni trouva de minerai.
    Alors qu'il n'arrivait qu'à sa cinquième année une épidémie lui vola père et mère. N'ayant pas d'autres familles les gens du village se retrouvèrent en charge d'un rejeton dont ils n'avaient que faire, mais qu'ils nourrirent dans leur bonté d'âme. Cette corvée se devait, pour être équitable, d'être partagée à chacun son tour. Le bambin fut donc toléré d'un foyer à l'autre, changeant chaque soir de table et d'étable comme lieu de couchage. Les villageois perdirent sont noms. Et il fut surnommé Dargent en référence à ses yeux couleurs d'argent.
    Mais l'enfant aux si magnifiques et étranges iris n'avait jamais appris à sourire, et pis encore, il n'avait jamais plus parlé. Les villageois crurent qu'il était simple d'esprit, sans comprendre que l'on ne parlait pas si l'on n’était pas écouté.



    Le village était loin de la grande ville, cerné de toutes parts par l'ombre des montagnes menaçantes. Il était déposé sur le versant de l'une d'elle. C'est pourquoi chaque hiver la neige recouvrait le sol et sublimait le paysage d'un manteau blanc. C'était une période difficile, les routes et chemins devenaient impraticables, et le froid rongeait le bois pour pénétrer au coeur même des foyers. Pour le très jeune Dargent, loin des cheminées, cette période se présentait comme mortelle. Pourtant il ne pouvait se résoudre à la craindre ou la détester. On pouvait même affirmer qu'il admirait sa froide beauté. Le petit garçon se trouvait émerveillé pas la pureté de ce blanc étincelant, si surréaliste qu'il ne pouvait que trouver naissance dans un autre monde. Un monde merveilleux.
    Mais le bambin ne disait rien de ses sentiments, et alors que la populace survivait en ne faisant qu'attendre les beaux jours, lui se délectait de ce paysage immaculé. L'air était pur, la ciel bleu pâle, l'eau se figeait et se transformait en javelines s'écoulant des branches.
    Dargent avait une théorie, une théorie d'enfant. Le monde entier était changé le temps de quelques semaines, et tout était étrange, alors il ne pouvait y avoir qu'une explication; la neige était la preuve que deux mondes se chevauchaient. Le monde n'était plus le monde, il était les mondes. Et réalisant toute la folie de ses pensées il se roulait dans la neige en riant. Loin des regards.
    Si les enfants ont bien un pouvoir plus grand que le monde matériel, c'est qu'ils trouvent toujours le bonheur et l'éblouissement, peu importe les grisailles du monde. Et ce petit garçon possédait cette magie bien au delà de toute raison. Mais il la gardait pour lui, lorsqu'il était seul avec la nature, car elle seule lui donnait de la tendresse.
    Les autres enfants n'avaient pas le droit de quitter le village, car la peur de l'inconnu régnait en maitre. Mais personne n'avait peur pour lui, alors il était libre.

    N'avez vous jamais fui l'humanité pour trouver le silence ?
    Et lorsque la neige vient, n'avez vous jamais fermé les yeux en marchant dans la poudreuse pour écouter son petit craquellement unique et profond ?
    N'avez vous jamais laissé votre emprunte sur le nappé innocent avec la honte aux joues et le sourire aux lèvres ?

    Et bien Dargent ne s'en lassait jamais, et pouvait parcourir plusieurs kilomètres en s'émerveillant. Un jour où il était parti loin il découvrit une nouvelle parcelle de la montagne qu'il ne connaissait pas. Il fut très surprit de trouver une haute cascade entièrement gelée, elle était comme luminescente. Curieux il observa. La pierre derrière l'eau glacée était argentée, il avait découvert le plus gros filon d'argent du pays. Mais il ne s'y intéressait pas. Il ne pouvait détacher son regard de la lumière qui se reflétait et donnait à la cascade un aspect fantasmagorique. Il était tant sous le charme qu'il oublia de regarder le soleil et ne vit pas la nuit tombée. Ce fut le froid qui le ramena à la réalité. Un froid mordant. Il constata avec dépit que ce lieu enchanté serait son tombeau et la neige le cercueil d'un enfant qui n'avait vécu qu'à peine la moitié d'une décennie. Lutter n'aurait servit à rien, il n'avait aucune chance, il le savait. Une larme gela sur sa joue.
     

    Mais alors qu'il attendait patiemment la mort, quelque chose le frappa. Une idée, pas un objet ! En effet, le soleil était allé dormir depuis longtemps, alors comment la cascade pouvait t'elle encore être lumineuse ? Jusque là tout pouvait s'expliquer, mais en cet instant, le phénomène était vraiment inexplicable. Il chercha une raison de longues minutes, bien que l'idée de la magie tournait comme une toupie dans ses arrières pensées. Il réfléchit si intensément qu'il ne réalisa que longtemps aprés qu'il n'avait plus froid. Il avait même chaud.
    Une lumière se mit à danser sur les eaux gelées. Rapide, elle flottait et virevoltait sur un léger fond sonore à peine audible. Comme un son de flute lointain que l'on percevait si peu que l'on pouvait se demander si ce n'était pas le fruit de notre imagination. Parfois la petite boule de lumière ralentissait, et le petit garçon apercevait une petite silhouette féminine ailée aux mouvements fluides et ondulants.
    Une fée, ça ne pouvait qu'être une fée !
    On les décrivait souvent dans les contes, et il avait même, une fois, contemplé un dessin. On les disait parfois bienveillantes et parfois farceuses. Mais peu lui importait tant elle était belle. Mais elle disparu. Alors l'enfant se leva et courut à l'endroit où elle se trouvait quelques instants plus tôt. Il la chercha du regard, mais elle n'était plus là. Et alors que le désespoir l'envahissait, elle réapparut, juste devant lui. Elle s'arrêta, pour la première fois.
    Elle était aussi petite qu'une pomme de pin. Des ailes de libellules transparentes vibraient dans son dos. Une longue chevelure blanche dansait dans une brise qui n'existait pas. Et la plus belle des robes de diamant dévoilaient ses formes parfaites. Un petit grelot or et argent pendait à son cou, le bijou expliquait le son qu'il avait perçu. La fée présentait un visage de jeunesse éternelle. De grands yeux bleu pâles se fixèrent sur le petit garçon. Elle semblait... inquiète...
    _ Tu es un enfant perdu ?, demanda t'elle.
    _ Je sais où est le village où j'ai grandit, mais je ne m'y sens pas chez moi, et puis j'en suis trop loin pour y rentrer avant que la mort ne me trouve, répondit le petit garçon.
    La fée lui sourit, et lui promit qu'il resterait vivant, et plus encore. En effet, ils passèrent la nuit à chanter et rire, elle fit briller la neige et fit parler les arbres. Des papillons vinrent caresser le visage de Dargent, et au matin les écureuils et les biches lui firent bonjour. L'enfant n'avait jamais été aussi heureux, et la fée lui confia qu'elle ne s'était jamais autant amusée. Mais vint le moment de retrouver l'humanité, et l'enfant ne put que pleurer même s'il essaya de résister. Alors la fée lui promit de revenir, et en effet, elle revint. Chaque jour. Mais lorsque les premières neiges commencèrent à fondre, elle dut lui expliquer qu'elle était une fée des neiges, et qu'elle partirait avec elle. Malgré tout, chaque année, avec les premiers flocons, elle reviendrait.

     
    Et ce fut vrai, chaque hiver, avec la neige, la petite fée revint, et ils s'amusaient, dansaient, chantaient, rêvaient ! Ensemble il n'y avait plus de frontière. L'hiver était la plus heureuse de toutes les saisons.
    Malheureusement, un hiver, il ne neigea pas. Puis le suivant non plus.
    Dargent ressenti un désespoir profond. Il pleura comme il n'avait jamais pleuré. Et tout sembla devenir triste. La saison était devenue grise et morte, la vie devint difficile rude et lassante. Seul face à ses pensées il chercha à apaiser sa douleur. Il passait du désespoir à la colère. Puis il chercha à se persuader de son indifférence, puis vint le doute. Adolescent il commença à se demander s'il n'avait pas créé un ami imaginaire comme certains petits le faisaient dans le village. Et lorsque trois ans aprés la neige revint, la fée ne revint pas. Alors il devint adulte, et ne crut plus aux contes.
     

    Les années passèrent et il devint un beau et fort jeune homme. Seul il se battit une maison, et seul il survécut. Son calme et sa robustesse inspiraient la confiance et il était bien apprécié des villageois, mais lui ne ressentait que peu d'affection pour ces gens là qui ne l'avaient jamais aimé enfant. Il vécut donc un peu en retrait, toujours prêt à aider si on le lui demandait. Il payait ainsi ce qu'on lui avait si généreusement offert pour qu'il survive jusqu'à ce qu'il subvienne à ses propres besoins. Dargent était un jeune homme ampli de charmes et d'atouts, son regard gris clair décontenançait les gens qui lui parlaient et faisait chavirer les coeurs des jeunes filles, mais tout cela lui échappait. Pâles mais intenses, ses yeux étaient un livre ouvert sur ses émotions et sa personnalité. On y voyait le reflet de la vie, ainsi que son intelligence brillante, mais parfois aussi l'acier tranchant de la colère. On le respectait, tant par sa carrure que par sa droiture en toute circonstance. La fée n'était plus qu'un songe, un souvenir. Il ne restait plus que l'amour brûlant pour un être qui n'avait jamais existé. L'amour d'un être rêvé ne nous trahit jamais.


     Alors qu'il était à sa 25ème année, un froid fulgurant tomba sur les montagnes à la fin de l'été. Peu de gens osaient sortir, et le village se rassembla à l'auberge.
    _ Ce froid n'est pas naturel ! Dirent certains.
    _ Il faut partir ! Dirent d'autres.
    Dargent sentait qu'ils avaient raison. L'air était plus froid qu'il ne l'avait jamais était. Mais le jeune homme se refusait de croire à quoi que ce soit de surnaturel. Alors que le brouhaha montait de la foule il chercha à sortir de ce rassemblement oppressant. Personne n'était prêt de la fenêtre, dont la vitre seule ne suffisait pas à couper du froid. Il s'assit là, et observa.
    L'air autour de lui devint glacé, il frissonna. Ça n'avait rien de naturel. Il regarda dehors. Au loin il vit de gros nuages sous lesquels l'air était remuant et flou. Une tempête de neige se préparait.
    _ L'hiver vient... , murmura t'il. La foule devint silencieuse.
    Il ne fallut pas longtemps pour que le village se vide. Tous partirent à tire-d'aile pour les grottes, sans un regard en arrière. Ils avaient peur, ils ne savaient pas de quoi, mais ils avaient peur. Tous supplièrent Dargent de les suivre, mais il refusa. Quelque chose le retenait ici, il n'aurait su dire quoi. Mais il savait que ce n'était pas le jour où il devait quitter le village, et que son destin avait toujours été dans les montagnes à l'air libre. Il n'était pas fait pour se cacher.
    Alors il resta. Et la neige déferla. Très vite il manqua de nourriture. Chasser le froid était impossible, le feu lui même semblait mourir tant les températures s'écroulaient. Puis enfin le jeune homme comprit quel était son rôle lorsque dehors il entendit un puissant rugissement. Il sortit en courant, claquant la porte. Son regard gris parcourut le ciel d'où venait le bruit. Il ne vit qu'une ombre. Mais il savait de quoi il s'agissait, comme s'il l'avait toujours su. Un dragon.
    Sans réfléchir il prit sa lance et se jeta à la poursuite du monstre. Il gravit bien des obstacles. Mais le dragon était bien trop rapide, tant et si bien que le jeune homme se perdit. Tout était blanc, et il ne distinguait plus le ciel du sol, il ne voyait plus les falaises car il lui était impossible de distinguer les distances. Il était comme dans un rêve blanc. Plusieurs heures d'éternité passèrent, et s'il n'y avait pas eu la neige pour s'abreuver il ne fait aucun doute qu'il serait mort tant son corps souffrait. Il crut sa dernière heure arrivée, lorsqu'il entendit un tintement.
    Son qu'il avait déjà rencontré auparavant mais qu'il refusa de lier à ce qu'il avait vu et perdu de son enfance. Car tout cela n'avait été qu'un rêve...
    Sur une branche il vit de la neige bougée. Non, en réalité ce n'était pas de la neige ! Mais une belette en robe d'hiver. Blanche, elle avançait de façon fluide entre les branchages. Il leva sa lance en espérant faire un mon repas, quand il vit au cou de la fouine un petit grelot or et argent. Il fut réellement troublé. C'était totalement absurde un animal sauvage avec un bijou de cette valeur ! Toujours avec l'intention de se nourrir il la mit de nouveau en joue, mais une petite voix intérieure l'en empêcha. Puis une envie pressante de suivre la petite créature le saisi. Il râla d'incompréhension, et se contenta de suivre l'animal qu'il trouvait de plus en plus élégant dans sa démarche. Et pourtant bien espiègle tant la belette jouait avec ses nerfs en apparaissant et disparaissant à tout va. Cela lui rappela ses jeux d'enfants avec son amie imaginaire. Il se convainquit que tout cela était l'œuvre du malin, que le dragon cherchait probablement à lui manipuler l'esprit par un quelconque sortilège. Mais il ne pouvait s'empêcher de suivre.
     

    Il était là, sur un lac glacé, allongé. Sa robe était d'un blanc encore plus pur que la neige, chose que nous n'aurions jamais pensé possible. Lorsque Dargent se rapprocha, le dragon leva la tête et l'observa. Le jeune homme leva sa lance, ses muscles tendus, faisant monter toute la puissance dont il était capable. Il devenait la lame de la mort.
    Il croisa le regard du monstre. Et y vit son propre regard. Un regard gris argent. Un regard qui n'exprimait aucune méchanceté, aucune violence. Le jeune homme abaissa son arme. Un peu honteux... il avait toujours détesté que les gens du village agissent par peur de l'inconnu, et c'est ce qu'il avait faillit faire. Le dragon n'était pas mauvais, il était juste perdu comprit t'il. Touché par un langage silencieux qui raisonnait de toute sa puissance. Il observa la créature mythologique, magnifique et tranquille comme un bloc de glace sculpté.
    Et alors une idée lui vint. Si le dragon existait, qu'il était bien en face de lui -ho ! Créature de la mythologie par excellence !- alors la fée elle aussi devait être réelle. Et enfin il la vit, elle apparut à l'instant où il crut en elle, juste à coté de lui. Elle lui sourit
    _ Tu ne croyais plus en moi, alors tu ne pouvais plus me voir. » Son regard mêlait tristesse et joie, tout à la fois. Des années avaient étés perdues par le désespoir égaré du jeune homme, cette peur l'avait empêché de la retrouver.



    La fée les emmena là où tous aurait dut être. Là où les deux mondes convergeaient. Clairière surnaturelle protégée de remparts de branches entrelacées et de glace. Tout y était magnifique. C'était le monde de l'hiver, et tout y était blanc, mais des fleurs cristallines et des papillons bleutés dévoilaient de nouvelles formes de vie dans une saison que l'on croyait morte. Et le froid n'était plus froid. De nombreux êtres de contes et merveilles vinrent les accueillir en sortant du bois dormant. Le dragon immense, étrangement, semblait parfaitement à la bonne taille. Et les fées ne semblaient plus petites.
    Il réalisa qu'il s'était trompé, ce n'était pas de l'amitié qu'il partageait avec sa petite fée, mais un amour profond qui les liait depuis toujours. Et son destin à lui, était bien plus grand que celui d'un simple mortel. Ils se tinrent la main, le plus naturellement du monde. Leur amour était aussi pur que la neige immaculée.
    Et alors que les montagnes perdaient leur froid surnaturel qui avait accompagné le dragon égarée, le monde enchanté lui festoyait de retrouver leur ami et un nouvel ami. Des mets de toutes saisons paradaient sur une grande table glacée, et Dargent, affamé depuis des jours ! mordit dans une belle pomme rouge, plus délicieuse encore que celles qu'il avait goutées jusque là. Il en fut tout étonné et en fit grand cas. Tous riairent de bon coeur, et le repas fut fort bon.

     

     

    Morales de l'histoire :

    A chaque saison comme à chaque chose, il y a une part de félicité.
    Il suffit de relativiser, de sourire et de savourer.
    A chaque être comme à chaque monstre, il y a une part de bonté.
    Il suffit de regarder et de ne pas trop vite juger.

     

    (de moa)


  • Commentaires

    1
    test
    Dimanche 3 Février 2013 à 21:41
    TEST
    test
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